Ce 22 décembre, je suis encore au bureau. Avec le désir d’en sortir, de prendre l’air, de fêter!

Mais fêter quoi?

L’année 2011 se termine sur fond de scandales incessants, de décisions aberrantes du gouvernement Harper, de projets miniers sans fin et surtout sans vraies retombées pour le Québec. Les guignolées nous ont rappelé les inégalités sociales grandissantes mais nous ont-elles donné le gout d’agir pour mettre fin au scandale de la pauvreté dans un pays si riche?

Et pourtant je vais prendre le temps de fêter. Avec mes amours, petits et grands, mes amis-es, ma famille. Dans la neige si dame Nature veut bien faire sa part. Au cinéma. Avez-vous vu « Le vendeur »? Un très beau film, touchant, vrai, marqué par les pertes, la douleur mais aussi l’amour.

Et puis, je vais me reposer, réfléchir, rêver. Au Québec que je veux plus juste, plus fier de sa langue commune, plus écologiste. Pour le construire avec vous en 2012. Parce que vous êtes déjà engagés dans mille projets pour rendre le Québec meilleur.

D’heureuses Fêtes à tout le monde et un Joyeux Noël à ceux et celles qui s’y reconnaissent.

À bientôt,

Françoise David

Montréal, le 13 décembre 2011

Monsieur,

Ce midi, nous devions enregistrer l’émission « L’autre midi à la table d’à côté ». C’était prévu depuis des semaines! Nous devions manger ensemble, vous et moi, et nous parler de nos livres respectifs. De nos visions du monde aussi, je le suppose.

Je m’étais bien préparée. J’avais lu votre livre, écouté votre entrevue aux Francs-Tireurs, réfléchi aux questions que je voulais vous poser. Mais hier, vous avez décidé de ne pas participer à l’émission, prétextant que vous ne vouliez pas être associé à un parti politique.

Allons donc! Vous saviez  que je suis la présidente et l’une des porte-parole de Québec solidaire! Je n’en fais pas mystère dans mon livre. Vous êtes millionnaire. Jarislowski Fraser est une société de gestion privée de renom. Je suis la présidente d’un parti politique de gauche. Il aurait été intéressant de débattre, non?

Voici les questions que je vous aurais adressées :

1)      Dans votre livre (Dans la jungle du placement) vous dénoncez « les rapaces qui peuplent la jungle du placement ». Vous pourfendez les membres de Conseils d’administration de grandes entreprises; vous vous demandez s’ils sont gardiens ou laquais des gros actionnaires.  Vous dénoncez les trop hauts salaires des dirigeants d’entreprises. Vous croyez vraiment que l’on peut civiliser ces capitalistes trop gourmands? Je crois, moi, que seule une action politique ferme de la part des élus du peuple nous permettra d’en finir avec leur arrogance.

2)      Vous donnez des conseils aux gens qui veulent effectuer des placements. Pas une seule fois vous n’évoquez les placements éthiques. Pourquoi ne pas suggérer  aux petits épargnants d’éviter des entreprises guerrières, celles qui font travailler des enfants ou sont néfastes pour l’environnement?

3)      Vous vous plaignez de l’avidité du fisc. Pourtant vous convenez que nous avons besoin de routes et de services publics. Vous ajoutez même (page 152) : « En réalité, les particuliers aident souvent des causes qui devraient bénéficier de nos impôts ». C’est de la pauvreté que vous parlez dans cette page. Expliquez-moi comment nous allons lutter contre la pauvreté, nous doter d’un système de santé performant et accessible à tout le monde, d’une éducation de qualité, de transports collectifs…et payer moins d’impôts.

4)       Le 6 octobre 2010, Warren Buffet, troisième fortune mondiale s’exprimait ainsi dans un texte de l’agence France-Presse : «  Je paye un plus bas taux d’imposition que ma femme de ménage et ce n’est pas comme cela que le système devrait fonctionner ». Monsieur Buffet réclamait alors de payer plus d’impôts pour aider son pays à sortir de la crise dans laquelle les grands financiers l’avaient plongé. Et vous, monsieur Jarislowski, accepteriez-vous de payer plus d’impôts pour permettre à l’ensemble des Québécois-es d’obtenir un revenu minimum leur permettant de vivre dans la dignité?

5)      Vous avez étudié dans les meilleures écoles françaises et américaines. Vous avez eu de la chance. J’ai moi-même eu le privilège d’étudier dans des collèges privés. Vous vous prononcez pourtant en faveur de la hausse des droits de scolarité universitaires. Ne croyez-vous pas qu’il y a là une contradiction? Nous qui avons eu la chance de poursuivre des études universitaires, ne devrions-nous pas souhaiter que tous les jeunes du Québec aient cette même chance?

Et finalement, vous parlez de votre « philosophie altruiste ». Vous indiquez : « Aider les autres m’a beaucoup rapporté » (page 27). Moi je vous demande : ne pensez-vous pas qu’aider les autres passe par la justice sociale bien avant la charité, par l’accès à la culture (qui vous est chère) pour tout le monde, par des services publics qui demeurent publics, par le respect du droit à l’association syndicale, par une fiscalité réellement progressive?

Si vous aviez pris le risque de débattre avec une femme de gauche, féministe, écologiste et souverainiste, nous aurions parlé de ces choses et de bien d’autres. Passionnément et avec courtoisie. Pourquoi vous être si soudainement dérobé à cet exercice? Un grand administrateur et investisseur appartenant au groupe sélect du 1% craindrait-il de se commettre avec une personne dont les préoccupations solidaires sont au diapason de l’autre 99%?

C’est ma dernière question…

Françoise David

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