Thèmes / Lutte à la pauvreté

J’ai connu Madeleine alors que je travaillais dans le mouvement des femmes. J’avais peu entendu parler d’elle. C’est pareil aujourd’hui. Peu de jeunes femmes et hommes connaissent cette extraordinaire syndicaliste et féministe, cette rassembleuse hors-pair. Serions-nous encore devant une remarquable oubliée de l’histoire du Québec?

Cet après-midi, nous sommes nombreuses et nombreux à vouloir dire notre amitié et notre admiration pour Madeleine Parent. Espérant que nos paroles résonnent partout, dans tous les milieux.

Madeleine était une féministe engagée aux côtés des plus mal prises, des exclues, des sans-voix : ouvrières, immigrantes, autochtones, femmes pauvres des villes et des régions.  Plusieurs l’ont dit : d’une voix douce, elle exprimait des réalités implacables. Sa parole sonnait juste et vrai, sans effet de toge. Son engagement venait du cœur et d’une analyse longuement méditée. Elle était notre sage, notre inspiratrice et nous l’aimions, tout simplement.

Elle nous a appris, à nous féministes du groupe majoritaire au Québec, que d’autres femmes, nées ailleurs ou Autochtones, n’avaient pas les mêmes chances, souffraient de multiples discriminations et exigeaient d’être entendues. D’avoir leur place au sein du mouvement des femmes et de la société québécoise. Elle a construit des passerelles entre féministes de toutes origines. Il ne faut pas l’oublier à un moment ou plusieurs s’attardent à la réalité des femmes immigrantes uniquement lorsqu’un voile fait son apparition. Madeleine n’aurait pas apprécié.

Nous avions des rencontres en soirée. Elle avait déjà 75 ans. Une fois la réunion terminée, elle repartait en métro, tout bonnement. Je lui disais : « On pourrait t’appeler un taxi ». Elle me répondait : « Pourquoi? Non! Je veux prendre le métro comme tout le monde! » C’était ça, Madeleine, une tête de mule et une grande dame!

Elle a été de tous les combats dans le mouvement des femmes des années 80 et 90. Participant aux grands événements qu’ont été la marche Du pain et des roses et la Marche mondiale des femmes en l’an 2000. En 2001, elle marchait contre le Sommet des Amériques. Infatigable!

Je garde d’elle un souvenir impérissable. Un jour, elle m’a dit : « Tu sais, il ne faut jamais se décourager. Dans les moments difficiles, il faut se rappeler que l’histoire est faite d’avancées et de reculs. Aujourd’hui, le temps est gris, demain il fera beau. » Elle avait tout vu, tout vécu. Elle avait donc  le droit de me dire cela. Je ne l’ai jamais oublié et j’avoue qu’à certains jours, cette parole résonne en moi, comme un baume réconfortant.

Ces derniers temps, je me suis demandé comment Madeleine aurait réagi devant des événements qui nous interpellent. Aurait-elle porté le carré rouge? Oui, certainement.  Aurait-elle eu envie de camper avec les indignés-es? Je n’en doute pas un instant.  Aurait-elle soutenu les femmes immigrantes qui veulent s’intégrer à la société québécoise tout en conservant leur identité? Je pense que oui. Se serait-elle insurgée contre le projet conservateur de porter l’âge de la retraite à 67 ans? Évidemment! Et elle aurait rappelé à ces messieurs combien cette mesure est discriminatoire envers les femmes qui  occupent trop souvent  des emplois mal-payés et tellement exigeants physiquement et mentalement.

Elle aurait pourfendu le plan Nord qui se développe malgré l’opposition de plusieurs communautés autochtones. Elle serait opposée à la privatisation des services publics qui repose souvent sur le travail gratuit ou sous-payé des femmes. Elle se serait tenue au premier rang des marches, blocages, occupations qui traduisent un ras-le-bol de plus en plus considérable dans la population.

Madeleine Parent ne choisissait pas les causes populaires, elle défendait les causes justes.

Avec vous, je veux la remercier. Lui dire qu’elle m’accompagne dans tous mes combats, qu’elle est présente dans les combats de toutes les femmes.

En terminant, je tiens à remercier les organisatrices de ce bel événement qui nous réunit et nous fait du bien. Merci aussi au Devoir qui a pris le temps de préparer un cahier spécial  en souvenir de Madeleine Parent, grande syndicaliste, grande féministe et tellement grande humaniste.

Merci à toutes celles et ceux qui poursuivent le rêve de Madeleine Parent : un monde plus juste, plus solidaire, plus égalitaire. Le monde du bien commun.

 

Françoise David

Ex-présidente Fédération des femmes du Québec

Porte-parole Québec solidaire

 

* Discours prononcé au Complexe funéraire Côte-des-Neiges, le 1er avril 2012


 

Au terme de quatre soirées-rencontres avec des centaines de gens de mon comté, je retiens leur  vibrant intérêt pour ce qu’on appelle souvent « la politique autrement » et pour des idées novatrices. Celles de Québec solidaire.

Ils et elles sont venus des quatre coins de la Petite-Patrie et de Rosemont. Le même scénario s’est répété à chaque fois : à 18.45 hrs, nous étions une demi-douzaine à nous demander si les gens seraient au rendez-vous. À 18.55 hrs, une petite foule  compacte cherchait, qui  une chaise, qui un tabouret ou plus prosaïquement, un café ou une bière. À 19.10 hrs, nous étions entre 40 et 70, souvent tassés comme des sardines  et la conversation commençait.

Certaines questions sont revenues à chaque rencontre : comment développer une économie prospère et en même temps écologique? Comment nous assurer que l’État québécois ait les moyens de redistribuer la richesse? Quelle est la position de Québec solidaire sur le plan Nord, la langue, l’éducation, la privatisation du système de santé, le mode de scrutin.

Ce qui m’a beaucoup frappée : les participants-es étaient souvent dans la trentaine.  Avides de nouvelles idées, d’espoir, de politiques porteuses de sens. Solidaires.

On a parlé  de souveraineté. Après tout, nous sommes dans Gouin, une circonscription qui a largement voté oui en 1995. La proposition de Québec solidaire de mettre en place une assemblée constituante élue au suffrage universel pour organiser les débats sur l’avenir du Québec,  produire un projet de constitution et soumettre le tout à un référendum, a séduit. Pourquoi? Parce que c’est mobilisant, rafraîchissant, dynamique. Parce que QS a confiance dans la capacité des citoyennes et citoyens de discuter d’un projet de société et de l’avenir du Québec. Confiance qu’une fois engagés dans une démarche collective, les Québécoises et les Québécois auront vraiment le goût du pays.

Évidemment, la question de la division du vote souverainiste a été soulevée. Normal. Nous en avons discuté franchement. Faut-il le rappeler : dans Gouin, une victoire souverainiste est assurée car ni la CAQ ni les Libéraux n’ont la moindre chance de l’emporter. Il s’agit donc pour les électrices et électeurs de ce comté de décider pour lequel des candidats souverainistes, en l’occurrence monsieur Girard et moi-même, ils voudront voter.

Le choix existe et nous en avons débattu. Pour des participants-es aux soirées, le PQ a « fait son temps », comme on dit. Certains-es n’en peuvent plus des positions changeantes de ce parti suivant les conjonctures : plus à droite quand l’ADQ est en avance, plus à gauche quand QS commence à être une menace pour le PQ dans certains comtés.

On regarde donc du côté de Québec solidaire. Un parti aux convictions solides. Les personnes que j’ai eu le bonheur de rencontrer étaient  curieuses et  intéressées par ce nouveau parti qu’elles apprivoisaient lentement…mais sûrement.

Elles et ils sont de plus en plus nombreux à appuyer un parti à la fois souverainiste, écologiste, féministe et de gauche. Loin de les inquiéter, notre parti-pris pour les travailleurs-euses, les personnes  âgées, pauvres ou immigrantes, pour toute la classe moyenne,  sourit à nombre de personnes. Car de plus en plus de gens se sentent partie prenante du fameux 99% et sont scandalisés par l’arrogance des bien-nantis.

On m’a demandé, au cours d’une soirée, si j’avais l’intention de poursuivre ces rendez-vous citoyens  une fois élue. Ma réponse fut sans équivoque : oui! C’est entre autres cela, faire de la politique autrement : rendre des comptes à la population et la consulter sur les dossiers que l’on doit défendre à l’Assemblée nationale.

Je me sens nourrie par les questions et prises de position de toutes ces personnes de mon quartier qui sont venues discuter avec moi. Plusieurs ont donné leur nom pour être bénévoles lors de la campagne électorale.  Il y aura d’autres rendez-vous, c’est certain!

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont participé aux soirées-rencontres de février.  Merci au comité de coordination de QS-Gouin qui les a organisées.

Françoise David

Tout juste avant de me rendre distribuer des feuillets devant la SAQ Beaubien, je me réjouis de la semaine écoulée au Québec. Pour trois raisons :

-Ma soirée-rencontre au Détour bistro dans l’est de mon comté a rassemblé 60 personnes enthousiastes. Deux heures de pur bonheur à discuter, répondre à des questions pertinentes et réfléchies, vendre des livres (De colère et d’espoir) et recruter des bénévoles pour la prochaine campagne électorale. Prochaine soirée : lundi le 20 février au caffe Mille Gusti.

-Notre député, Amir Khadir est intervenu sur le thème des retraites à l’Assemblée nationale. Il a proposé une motion exigeant du gouvernement fédéral un changement à la loi sur les faillites pour que les caisses de retraite des travailleurs-euses soient considérées comme premières créancières. Cette motion a été votée à l’unanimité. Le lendemain, Amir a présenté la position de QS sur une retraite digne : un régime essentiellement public et mieux financé pour tout le monde. Je suis fière que nous nous portions ainsi à la défense de ceux et celles qui vieillissent souvent dans la pauvreté.

-Hier, le 17 février, des centaines de personnes, provenant de mouvements sociaux diversifiés ( groupes communautaires et féministes, associations étudiantes, syndicats) ont réussi à bloquer l’entrée de la Tout de la Bourse, haut-lieu symbolique du 1%. Les mouvements sociaux réclament de mettre fin aux tarifications abusives en santé, en éducation et pour l’électricité. Ils ont raison! Et à ceux et celles qui s’inquiètent d’une certaine radicalisation de l’action sociale, je répondrai ceci : lorsqu’un gouvernement se montre sourd et aveugle aux demandes des gens, il n’est pas étonnant que des mouvements cherchent d’autres façons de se faire entendre. Québec solidaire croit à une action sociale et politique revendicatrice et pacifique.

J’ai insisté dans « De colère et d’espoir » pour dire que nous avions plusieurs raisons d’espérer. L’action politique de gauche menée sans compromis par QS en est une. L’intérêt de plus en plus grand pour les propositions de QS en est une autre. Et la mobilisation de nombreux mouvements sociaux nous annonce un printemps chaud!

Françoise David

Depuis mon investiture en novembre dernier, il arrive régulièrement que l’on me demande :  pourquoi  Gouin? N’y a-t-il pas là un député péquiste compétent et souverainiste en la personne de Nicolas Girard? Pourquoi ne pas aller plutôt dans Rosemont?

Mes interlocuteurs viennent de milieux divers et sont d’allégeances multiples. On retrouve, bien sûr, des péquistes fâchés que j’ose (!) me présenter contre un  député crédible de leur parti. Mais aussi des souverainistes inquiets de voir la droite fédéraliste l’emporter aux prochaines élections. Ne divisons-nous pas les votes souverainistes et de gauche, à Québec solidaire?

Démêlons un peu les choses.

D’abord, pendant que des membres du Parti québécois me suggèrent de me présenter dans Rosemont, la direction de ce parti est à la recherche d’une candidature vedette, comme celle de Jean-François Lisée. Pourquoi irais-je donc dans Rosemont, à l’est de mon lieu de résidence et où je ne me suis jamais impliquée?

Je vis dans Gouin (Rosemont-la Petite-Patrie) depuis 32 ans. J’y ai élevé mon fils,milité au comité d’école, fréquenté avec lui les arénas, participé à des regroupements communautaires, contribué à la mise sur pied d’une ruelle verte, organisé de multiples rencontres dans des cafés, participé à de nombreux événements culturels, soutenu des luttes locales. Je me sens donc pleinement justifiée d’être à nouveau candidate dans mon quartier.

De plus, et c’est probablement peu connu de certains interlocuteurs-trices, je suis arrivée deuxième lors des deux dernières élections générales pendant que monsieur Girard perdait des votes en chiffres absolus. En 2008, j’ai obtenu 32% des votes. Il me manquait moins de 2000 votes pour l’emporter. Et j’irais ailleurs?

Depuis 2008, j’ai redoublé d’efforts, avec l’appui indéfectible des membres Solidaires de Gouin, pour être présente dans mon comté.  Je crois fermement que ma persévérance va porter fruit cette fois-ci. Beaucoup de citoyennes et citoyens de Gouin me manifestent leur appui de mille façons. Je sens que les gens veulent un changement véritable. Ils sont à la recherche d’une alternative à la politique traditionnelle marquée par trop de compromis et trop de proximité avec les milieux d’affaires.

Une campagne d’idées

Je ferai campagne pour mes idées et celles de Québec solidaire. Je ne me bats pas contre Nicolas Girard, la personne, mais je veux gagner car j’ai des idées à défendre. Lesquelles?

-la lutte aux inégalités sociales par un revenu minimum garanti et la mise à contribution des plus riches pour garnir les coffres de l’État; un Québec vert, qui prépare un avenir sans gaz ni pétrole mais surtout qui possède collectivement ses ressources énergétiques : hydro-électricité, éolien, solaire, géothermie; des services publics gratuits et accessibles à tous et toutes entre autres dans la santé et l’éducation; un régime de retraite public; une assurance-médicaments publique et universelle; du  temps pour les familles, entre autres, par l’allongement du temps de vacances; une démarche claire, démocratique et rassembleuse vers la souveraineté du Québec, donc une assemblée constituante élue par la population pour bâtir un projet de constitution pour le Québec et consulter le peuple sur son avenir; un véritable mode de scrutin proportionnel mixte qui permet à toutes les options politiques de s’exprimer à l’Assemblée nationale.

Seul Québec solidaire défend fermement ces idées.  Elles seront au cœur de ma campagne. Une campagne propre et respectueuse comme en 2007 et 2008. La population de Gouin tranchera. C’est ça, la démocratie!

Le Québec a besoin de députés-es Solidaires

En 2008, Amir Khadir s’est présenté dans Mercier contre le député péquiste bien connu Daniel Turp. Amir l’a emporté. Qui s’en plaint aujourd’hui mis à part quelques péquistes encore fâchés? Amir Khadir a démontré tout ce que peut faire un député Solidaire pour le Québec. Il a dénoncé des pratiques crapuleuses, des comportements douteux, des politiques contraires à l’intérêt commun. Il a proposé des projets de loi privés. On le sait moins, mais il a réussi à influencer des décisions gouvernementales : hausse des redevances des minières, imposition de redevances sur l’eau, contestation juridique de l’abolition du registre des armes à feu, acceptation d’un BAPE aux Îles de la Madeleine sur le projet de forage pour exploiter du gaz naturel, etc.

Si un seul député de Québec solidaire peut réussir cela, imaginez ce qu’une équipe Solidaire pourrait faire! Voilà pourquoi je me présente. Voilà pourquoi je dis aux gens de Gouin que l’Assemblée nationale bénéficiera de ma présence.

Militante bien connue pour mes positions sociales, je suis aussi une souverainiste convaincue.  Les souverainistes de mon comté peuvent compter sur moi pour apporter une proposition rafraichissante et nouvelle quant à la manière de construire le pays. Je veux que l’on se donne un pays de projets, fondé sur des valeurs sociales, écologistes, féministes. Je veux que l’on en parle dès maintenant sans s’enfarger longuement dans la gouvernance souverainiste. Nous avons besoin, à l’Assemblée nationale, de souverainistes comme moi qui pourront défricher les chemins de la souveraineté.

Françoise David

En post-scriptum : un mot sur des paroles déplacées

Cette semaine, je lisais ceci dans la Presse : « Le peuple ne la veut pas la madame, il faut qu’elle parte! » Des paroles de Marc Laviolette, militant du SPQ-libre au Parti québécois. J’ai tiqué. S’il s’était agi d’un homme, aurait-il dit : « le monsieur »? Je n’en crois rien.

J’ai des désaccords avec Pauline Marois. Cela ne m’empêche pas de la traiter avec respect. Est-ce trop demander à un militant péquiste qui se dit de gauche?

Montréal, le 13 décembre 2011

Monsieur,

Ce midi, nous devions enregistrer l’émission « L’autre midi à la table d’à côté ». C’était prévu depuis des semaines! Nous devions manger ensemble, vous et moi, et nous parler de nos livres respectifs. De nos visions du monde aussi, je le suppose.

Je m’étais bien préparée. J’avais lu votre livre, écouté votre entrevue aux Francs-Tireurs, réfléchi aux questions que je voulais vous poser. Mais hier, vous avez décidé de ne pas participer à l’émission, prétextant que vous ne vouliez pas être associé à un parti politique.

Allons donc! Vous saviez  que je suis la présidente et l’une des porte-parole de Québec solidaire! Je n’en fais pas mystère dans mon livre. Vous êtes millionnaire. Jarislowski Fraser est une société de gestion privée de renom. Je suis la présidente d’un parti politique de gauche. Il aurait été intéressant de débattre, non?

Voici les questions que je vous aurais adressées :

1)      Dans votre livre (Dans la jungle du placement) vous dénoncez « les rapaces qui peuplent la jungle du placement ». Vous pourfendez les membres de Conseils d’administration de grandes entreprises; vous vous demandez s’ils sont gardiens ou laquais des gros actionnaires.  Vous dénoncez les trop hauts salaires des dirigeants d’entreprises. Vous croyez vraiment que l’on peut civiliser ces capitalistes trop gourmands? Je crois, moi, que seule une action politique ferme de la part des élus du peuple nous permettra d’en finir avec leur arrogance.

2)      Vous donnez des conseils aux gens qui veulent effectuer des placements. Pas une seule fois vous n’évoquez les placements éthiques. Pourquoi ne pas suggérer  aux petits épargnants d’éviter des entreprises guerrières, celles qui font travailler des enfants ou sont néfastes pour l’environnement?

3)      Vous vous plaignez de l’avidité du fisc. Pourtant vous convenez que nous avons besoin de routes et de services publics. Vous ajoutez même (page 152) : « En réalité, les particuliers aident souvent des causes qui devraient bénéficier de nos impôts ». C’est de la pauvreté que vous parlez dans cette page. Expliquez-moi comment nous allons lutter contre la pauvreté, nous doter d’un système de santé performant et accessible à tout le monde, d’une éducation de qualité, de transports collectifs…et payer moins d’impôts.

4)       Le 6 octobre 2010, Warren Buffet, troisième fortune mondiale s’exprimait ainsi dans un texte de l’agence France-Presse : «  Je paye un plus bas taux d’imposition que ma femme de ménage et ce n’est pas comme cela que le système devrait fonctionner ». Monsieur Buffet réclamait alors de payer plus d’impôts pour aider son pays à sortir de la crise dans laquelle les grands financiers l’avaient plongé. Et vous, monsieur Jarislowski, accepteriez-vous de payer plus d’impôts pour permettre à l’ensemble des Québécois-es d’obtenir un revenu minimum leur permettant de vivre dans la dignité?

5)      Vous avez étudié dans les meilleures écoles françaises et américaines. Vous avez eu de la chance. J’ai moi-même eu le privilège d’étudier dans des collèges privés. Vous vous prononcez pourtant en faveur de la hausse des droits de scolarité universitaires. Ne croyez-vous pas qu’il y a là une contradiction? Nous qui avons eu la chance de poursuivre des études universitaires, ne devrions-nous pas souhaiter que tous les jeunes du Québec aient cette même chance?

Et finalement, vous parlez de votre « philosophie altruiste ». Vous indiquez : « Aider les autres m’a beaucoup rapporté » (page 27). Moi je vous demande : ne pensez-vous pas qu’aider les autres passe par la justice sociale bien avant la charité, par l’accès à la culture (qui vous est chère) pour tout le monde, par des services publics qui demeurent publics, par le respect du droit à l’association syndicale, par une fiscalité réellement progressive?

Si vous aviez pris le risque de débattre avec une femme de gauche, féministe, écologiste et souverainiste, nous aurions parlé de ces choses et de bien d’autres. Passionnément et avec courtoisie. Pourquoi vous être si soudainement dérobé à cet exercice? Un grand administrateur et investisseur appartenant au groupe sélect du 1% craindrait-il de se commettre avec une personne dont les préoccupations solidaires sont au diapason de l’autre 99%?

C’est ma dernière question…

Françoise David

J’ouvre un journal ce matin et qu’est-ce que je lis? Pour la première fois depuis cinq ans, 15% des électrices et électeurs québécois indiquent vouloir voter pour Québec solidaire. Quel bonheur!

Bien sûr, il faudra voir si cette tendance se maintient comme le disait le célèbre présentateur de nouvelles. Mais d’ores et déjà je tiens à souligner ce que je pressentais depuis un bout de temps : il y a de plus en plus de personnes qui nous trouvent intéressants, audacieux, crédibles et porteurs de tous les espoirs. Ça me donne envie de travailler plus fort, d’aller encore davantage vers les gens, d’être présente dans leurs luttes et leurs préoccupations quotidiennes. Après une courte pause d’écriture…

Notre dernier congrès

Je suis fière du congrès qui vient de se dérouler à Québec solidaire. Nous faisions face à des défis importants: adopter en un temps record un nombre impressionnant de résolutions, rendre les travaux intelligibles à l’ensemble des délégués-es y compris ceux et celles qui venaient pour la première fois à un congrès, aboutir à des propositions  à la fois audacieuses et enracinées dans le terrain québécois.

Nous y sommes arrivés. Le congrès débouche sur la proposition d’une économie plurielle où le secteur public occupe une place importante de même que l’économie sociale et coopérative. Une grande avancée féministe : la reconnaissance que le travail souvent invisible des femmes, rémunéré ou non, fait partie intégrante de l’économie. Nous proposons aussi une économie décentralisée et plus démocratique où les pouvoirs sont partagés entre les travailleurs-euses, les communautés, les directions d’entreprise, et même des groupes d’usagers-ères ou de citoyens-nes. Des nationalisations? Oui, surtout dans le secteur énergétique. Mais en laissant de la place à des initiatives locales et régionales.

Plus encore : le congrès a reconnu des droits sociaux et syndicaux : interdiction de lock-out, légitimité de grèves politiques, diminution de la semaine de travail, augmentation importante du salaire minimum. Lorsque l’on accorde de l’importance au temps de vivre, de partager, d’aimer, dans un congrès politique…c’est que l’on est vraiment proches des besoins exprimés par nos concitoyens-nes.

Québec solidaire sort uni de ce congrès. Les uns-es et les autres ont dû faire des compromis. Personne n’a été marginalisé, contrairement au titre d’un journal, ce matin. Nous avons trouvé des solutions équilibrées aux désirs exprimés par les 350 délégués-es. Nous avons aplani des divergences en adoptant des propositions où une immense majorité de nos membres peuvent se retrouver à l’aise.

Bravo à toutes et tous, merci et au revoir!

 

Quelques dépenses trop bureaucratiques? Tout le monde sait bien que les coupes dans les ministères et les services publics se traduisent par : plus de pauvreté, moins de services gratuits de santé, davantage de privatisations, moins d’inspecteurs en environnement, moins de services pour les aînés-es, etc.

La vérité?  Le gouvernement manque d’argent parce qu’il ne va pas le chercher là où il se trouve : dans les poches des contribuables aux revenus élevés et dans des grandes entreprises comme les banques et les minières.

Vous remarquerez que le PQ ne trouve rien de mieux à dire que : le gouvernement ne contrôle pas ses dépenses. J’écoute les nouvelles et je crois rêver : on souligne que les étudiants-es et les pré-retraités-es vont payer plus;  ils établissent du même souffle que le gouvernement ne  comprime pas suffisamment ses dépenses. Donc : le gouvernement invite les gens à faire leur part mais lui ne la fait pas.

Je crois rêver. Non seulement la population, surtout la classe moyenne et les personnes pauvres, doivent se serrer encore la ceinture mais il faudrait en plus que l’État offre moins de services? Qui croira que « comprimer les dépenses de l’État » veut simplement dire  questionner ses dépenses? Il propose quoi, ce parti qui se dit social-démocrate? J’ai bien hâte de voir ce qu’il fera  à la veille des prochaines élections lorsqu’il devra se prononcer clairement sur les finances de l’État, la fiscalité, les droits de scolarité, la lutte aux inégalités sociales.

Mais, au fait, la dernière fois que le PQ et sa cheffe ont parlé d’inégalités et de pauvreté remonte à quand?

 

Françoise David

 

Monsieur le ministre,

Au moment où le Québec s’interroge sur l’intégration des nouveaux arrivants, un programme de formation et d’insertion à l’emploi pour femmes immigrantes risque de fermer ses portes, après quatre années d’investissement et  d’efforts soutenus. Parce qu’il ne trouve plus de financement gouvernemental.

Je voudrais vous parler d’Aïcha, de Marie-Carmelle, de Marie-Lourdes et de Nadège.  Ces femmes ont décidé de relever un défi redoutable : s’engager dans un processus exigeant de formation  afin d’obtenir une reconnaissance professionnelle et un emploi de préposées aux chambres dans de grands hôtels de Montréal. Elles l’ont fait au cours d’une formation de 13 semaines chez Service d’entretien Pro Prêt, dans le quartier Rosemont. Aujourd’hui, elles occupent des emplois majoritairement syndiqués et reçoivent des salaires variant entre 12 et 18 dollars l’heure.

Savez-vous, monsieur le Ministre, combien coûte ce programme d’insertion par femme participante?  Un petit cinq mille dollars.  Au moment où l’industrie hôtelière, à Montréal, est à la recherche de personnel qualifié, n’est-il pas aberrant de mettre fin à ce programme?

L’organisme Service d’entretien Pro Prêt est à la veille d’annoncer la mort de la formation de préposées aux chambres parce que tout financement lui est désormais refusé. Dans tous les ministères concernés, on lui dit que le travail accompli est excellent mais que le gouvernement doit maintenant financer de NOUVEAUX projets. On fait quoi de ceux qui ont démontré leur grande utilité?

Monsieur le ministre, vous préparez un budget dont les conséquences seront énormes pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois. Vous devez prendre en compte les besoins des plus mal-pris d’entre nous, parmi lesquels beaucoup de femmes et d’immigrants. Vous devez soutenir les organismes communautaires et les entreprises d’insertion qui, au jour le jour, reçoivent et accompagnent des milliers de personnes en situation d’exclusion et de pauvreté. Si vous ne le faites pas, nous comprendrons alors que l’égalité et l’émancipation des femmes sont des mots que l’on aime écrire dans les textes gouvernementaux mais qu’au fond, les « vraies affaires » sont ailleurs. Peut-être dans les crédits aux minières?

 

Françoise David

 

Cet article a été diffusé dans le Devoir, le site internet de la Rue Frontenac ainsi que dans le Journal Métro

 

Un fois n’est pas coutume, j’aimerais vous faire partager sur mon blogue le témoignage très inspirant que m’a envoyé Hugo Latulippe, cinéaste et auteur québécois, depuis le Forum social mondial de Dakar. Bonne lecture à toutes et tous!

Toute la semaine dernière, entre les sessions et ateliers de la ruche babélienne du Forum Social Mondial de Dakar, j’ai plusieurs fois « googlé » l’acronyme FSM pour lire ce qui s’écrivait sur nous en direct, dans les pages des grands quotidiens du monde. En tête de liste, Google s’obstinait à me suggérer le même article de Wikipédia : « FSM : Forces sous-marines, l’une des quatre grandes composantes de la marine militaire… » J’ai commencé par ne pas noter la beauté de la chose. Mais ils avaient raisons ces gestionnaires du hasard technotronique. Le peuple du FSM est effectivement une famille de l’en dessous. Une nébuleuse qui couve le feu.

Une famille

Dans cette smala parfois improbable, il y a en fait deux sortes d’artificiers. Il y a bien sûr les mangés tout crus, largement majoritaires ; les paysans du sud, les femmes africaines, les refoulés de père en fils, les va-nu-pieds de Palestine, du Tibet ou des nations aborigènes d’Amérique, les torchés vivants du capitalisme chinois, les pollués des tous les bords de la machine industrielle, les usés jusqu’à la corde des zones franches, etc. On comprend qu’ils soient là, eux. Ils ont tout intérêt à s’unir pour contrer la blitzkrieg de l’Homme blanc et son projet de terre brulée.

Et puis il y a les gens plus joufflus, minoritaires ici ; ceux qui viennent des régions « crème chantilly » du globe. Ceux qui ont pigé les meilleurs jetons de la loterie géographique. Dans leurs royaumes nordiques, ils se sont retrouvés parmi les 5% d’habitants les plus riches de la terre, sans même lever le petit doigt.

Alors, que font-ils ici ceux-là ? On peut raisonner et dire : « c’est normal, franchement, de partager un peu sa chance ! » Oui, mais il y a autre chose, puisque peu de gens de New York, de Zurich, Londres ou Paris prennent la peine de venir ici, finalement. Qu’est-ce qui mène les joufflus ici ? Un penchant irrationnel (romantique ?) pour le perdant de la loterie, peut-être. Ou alors c’est un feu. Inextinguible, vieux comme le temps. Un instinct de combat, perpétuel. Les joufflus qui sont ici sont peut-être convaincus que l’époque doit (et peut !) être basculée.

2 mamies

Je me pose ces questions en admirant deux belles mamies brésiliennes, dans la jeune soixantaine, clairement issues des classes bourgeoises, qui animent un atelier à propos du prochain sommet de Durban en 2011. C’est l’après-midi africain, il fait chaud dans les locaux de l’université. Malgré la lourdeur des nécessaires traductions en trois langues, malgré le chaos général de cette assemblée qui a tout du bordel, les deux mamies parviennent à faire respecter les temps de paroles de chacun, à nous ordonner l’indignation, à stopper la logorrhée des Français, à calmer le chaud du sang des Italiens, à minimiser les syndicalistes Américains ou à modérer le communisme des étudiants mexicains qui ont découvert Trotski la semaine passée…

Elles président l’assemblée familiale comme des reines. Les deux mamies ont l’habitude de ce boucan. Elles ont plus d’une assemblée dans le corps. Avec une fermeté presque sensuelle, elles parviennent à discipliner l’indisciplinable. Elles sont terriblement belles. Je dirais même qu’elles sont sexy. Elles font un travail remarquable, à bout de voix, pour que nous accouchions de résolutions conséquentes avant la nuit. On dirait qu’elles en font un enjeu de vie ou de mort. Mais elles nous appellent chéri, darling, corazon.

Je repense à mon ami Stéphane Imbeault, prof de philo au cégep de Rimouski. Lui, il saurait me dire. Que font-elles ici, ces mamies joufflues Stéphane ? Elles doivent pourtant être bien à la maison, sur les hauteurs de Rio ou de Sao Paulo, emmitoufflées dans leurs exceptionnelles exceptions. Or, leur cœur penche pour l’avalé des avalés. Pourquoi ?

Je suis certain que tout le monde se fixe des objectifs en les regardant. Comme moi, tout le monde doit se demander s’ils en font assez, s’ils le font avec assez de détermination ou alors avec assez d’amour… Pour ma part, autant les récits héroïques des paysannes qui portent le Mali à bout de bras m’inspirent le combat jusqu’à la fin des temps… autant ces deux mamies brésiliennes nées dans le même confort que moi me forcent à me mettre en marche. Elles sont la poursuite des Lumières. Elles sont en quelque sorte l’incarnation des poèmes de Neruda, de Withman ou de Darwich. Elles incarnent la cohérence humaniste. La droiture nécessaire, essentielle à cette époque. Je suis un fan fini de ces mamies. Je les suivrais n’importe où.

Il faut bien le dire, en ce moment, dans les Forces, tout le monde rêve d’être Brésilien. On dirait qu’ils ont pris de l’avance sur l’humanité. Comme les Boliviens d’ailleurs. Au FSM de Dakar, on parle beaucoup brésilien et espagnol dans les rues. Comme si ces langues de charme permettaient d’inverser l’histoire. L’Amérique latine de Morales, de Lula et des deux mamies y est pour beaucoup dans ce mouvement altermondialiste. C’est elle qui a accueilli la plupart des grandes manifestations internationales du mouvement et qui a accouché des premières victoires… Peut-être qu’aux prochains Forums, nous voudrons tous parler arabe ?!

10 ans d’amour planétaire

Voilà donc plus de 10 ans que notre famille bipolaire se fréquente. 10 ans que notre union stratégique d’artificiers Nord-Sud fait sauter des murs et bâtit des ponts. Sur le campus de l’Université Cheikh Anta Diop, je marche dans cette foule de gens venus de 130 pays et je me demande qui peut revendiquer une aussi belle famille que la nôtre, plus complète ? Désormais composée de chefs d’États d’Amérique du sud, de paysans burkinabés, de soixante-huitards qui n’ont jamais renoncé, de jeunes suédoises écolos en jeans bio, de parias indiens et de moins que rien africains, de militants broches à foins des quatre coins, de rastaquouères de la côte ouest américaine, de réfugiés politiques, d’intellectuels à la hauteur, d’universitaires courageux et de poètes ?

C’est certain ; si Victor Hugo, Simone de Beauvoir, Gandhi, Léo Ferré, Malcom X, Rosa Park ou Hannah Arendt vivaient encore, ils seraient avec nous, ici, en train de fomenter, au sein des forces sous marines.

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Le Forum social mondial est le Noël des altermondialistes, l’occasion de se rasséréner le ponpon-révolution. De célébrer. On y boit ensemble. On porte des toasts à des choses impossibles, comme le renversement des dictatures immuables, par exemple. Et puis soudain, comme par magie, à l’autre bout du monde, les révolutions se font simultanément. Au dernier jour du FSM de Dakar, une foule réunie pour entendre les conclusions des tables de convergeance du forum, a appris en direct le départ d’Hosni Moubarak du palais présidentiel égyptien. À côté de moi, deux vieux paysans du Maghreb sont tombés à genoux. Je les ai vu pleurer, la tête plongée dans leurs mains caleuses de travailleurs.
Pleurer et finalement s’embrasser. Enfin.

Sur le moment, il nous a semblé qu’un parfum de jasmin traversait le monde entier. Il nous a semblé que toutes les révolutions à faire étaient possibles. J’ai entendu l’élue des verts au parlement européen, la franco-norvégienne Eva Joly s’écrier : « 50 ans de néolibéralisme économique, c’est très peu. La parenthèse achève ! »

Tunis-Dakar-La Paz

Parmi nous se trouvaient des centaines de jeunes tunisiens et égyptiens pour rappeler que les forces sous marines de chez eux, réunies et alimentées depuis 2004 par les forums régionaux, ont joué un rôle central dans la mise au monde de leurs révolutions. Incidemment, Evo Morales s’est aussi présenté ici comme un « élève des forums sociaux ». Lula Ignacio Da Silva dira la même chose.

Les forces sous-marines avancent. Il faut célébrer quand les choses avancent. Il faut être capable de le voir. C’est important pour le moral des peuples, le moral des majorités. Les Brésiliens ont compris cela. Ils savent se réjouir. Les forums sociaux servent aussi à goûter l’arak, les mojitos et les shooters au gingembre équitable. On se rassure, on se pince, on se touche. On existe vraiment. Et on est sacrément nombreux et puissants. Le feu est bien vivant. Il vient de loin et s’inscrit dans une histoire, une cohérence.

Cette année est celle où les forces prennent conscience de la profondeur de leur vague. Nous sommes des millions à partager cette conviction très simple ; la richesse matérielle n’est rien, les liens qui nous unissent les uns aux autres sont tout. Comme Thomas Sankara, nous aspirons à quitter ce monde en ne léguant qu’une bicyclette.

Les grandes questions qui nous unissent

L’État ne fait pas son boulot d’État. Le privé avance et son emprise n’est pas une bonne idée. Globalement, les paysans s’appauvrissent. La Terre aussi. Et nous ne voulons pas cela. L’argent des peuples est dévié par des voleurs en complets vestons dans les paradis fiscaux du grand banditisme. Nous ne voulons pas cela. On pratique une politique de chasse à l’homme honteuse sur les frontières de l’Empire. Les changements climatiques feront sortir les océans de leur lit si on ne change pas nos manières d’occuper la terre.  Les grandes compagnies d’extractions se comportent comme des sauvages en Afrique et en Amérique du Sud. Nous ne voulons pas cela. La dette des pays pauvres continue de tenir des peuples entiers dans la misère. La politique d’Israël en Palestine est aussi inacceptable que l’apartheid sud africain. Etc.

Au fond, ce qui nous lie est cette intuition qu’au-delà de la crise avérée d’un modèle de société globalisé, nous vivons une crise de la civilisation. Comment faire pour changer le cap? Comment infuser la politique de nos pays nordiques pour qu’il y ait d’autres Brésil, d’autres Bolivie ? Est-ce que nos petits gestes quotidiens suffisent ? Probablement pas. Mais comme l’a écrit Edgar Morin, qui s’y connaît bien en résistance : « il ne faut jamais minimiser la portée du petit geste ».

À la prochaine fois

Sur le chemin du retour, je croise de nouveau l’Homme blanc en complets gris-MBA. Des Africains en complets gris-MBA les ont reconduits à l’aéroport. De nouveau, ils se sont vendus des porte-avions, des crédits de carbone, des barils de BPC à enfouir, des actions sur la prochaine catastrophe humanitaire. Pendant que nous fêtions, les princes internationaux ont fait des affaires avec les princes locaux. Dans leur langues-marchandises, avec leurs mots-camouflages appris à la même école du cannibalisme et du marketing. Ils se sont une fois de plus échangés ces richesses qui ne leur appartiennent pas.

Ils vont bientôt tenter de nous coloniser les cellules, de nous brader l’ADN, de ranger nos confins inestimables dans des comptes secrets en Suisse si on ne dit rien. Ils vont encore nous prêter à gage, nous engager pour trois générations, nous marcher sur les pieds et sur ceux de nos enfants si on ne dit rien. Ils vont encore profaner l’héritage des anciens et occuper l’espace politique dans nos parlements si on ne dit rien.

Il faut parler. Plus. Occuper l’espace comme des mamies brésiliennes. Je les croise justement sur le tarmac de Dakar, par hasard… Au moment de disparaître dans leur aéronef, elles rigolent encore. Les forces sous-marines montent dans ces avions qui les remènent à Rio, à Montréal, à Londres, à Genève, à Kinshasa, à Delhi. Aujourd’hui déjà, elles ont retrouvé leurs habits quotidiens, à l’ateliers, à l’usine, au parlement, dans leurs studios, leurs rues, leurs agoras.

Et l’histoire du feu se poursuivra. Les révolutions se feront, car les révolutions finissent toutes par se faire. (Et chaque fois, les forces sous-marines y seront pour quelque chose).  Rendez-vous à Montréal, en 2013 ?

Hugo Latulippe

 

François Legault est fidèle à lui-même et aux idées qu’il a défendu comme Ministre de l’éducation sous le gouvernement Bouchard. Il nous revient avec un axe central dans sa conception des services publics : Il en faut mais encore plus performants. Pour cela, il veut bousculer sérieusement des habitudes qu’il perçoit comme corporatistes et des conventions collectives trop contraignantes à ses yeux. Ses recettes sont largement inspirées en cette matière d’expériences étatsuniennes franchement peu convaincantes. Monsieur Legault devrait commencer par convenir que nos écoles publiques manquent singulièrement de ressources humaines pour appuyer des enseignants-es  surchargés. De plus, lorsqu’ un enfant sur deux, à Montréal, a besoin d’aide alimentaire à l’école, ne devrions-nous pas comprendre que les inégalités sociales et la pauvreté  viennent contrecarrer singulièrement les efforts des professeurs? La question des inégalités sociales, visiblement, ne fait pas partie des préoccupations de monsieur Legault puisque son manifeste ne contient pas une seule ligne sur ce sujet.

Pour le reste, le document apporte une vision défaitiste de la situation québécoise et peu de solutions audacieuses. Il nous propose de renouer avec le goût d’avancer. L’aurions-nous perdu? À mon avis, pas du tout. Si bien des Québécois-es, ces temps-ci, s’élèvent contre des projets économiques c’est bien parce que ceux-ci sont destructeurs au plan environnemental et socialement peu intéressants. C’est le cas des mines à ciel ouvert, des lignes à haute tension d’Hydro-Québec sur des terres agricoles, du projet pétrolier Old Harry dans le golfe St-Laurent, des gaz de schiste. Un nombre grandissant de citoyennes et de citoyens réclament un autre développement, vraiment viable, résolument vert, respectueux des communautés, créateurs d’emplois durables. Les gens sont en colère et le manifestent. On voit apparaître de plus en plus de comités locaux qui se regroupent dans des cadres informels, utilisant le web comme mode de réseautage. Voilà qui est très prometteur!

Je ne partage pas le défaitisme de François Legault. Ni sa volonté de passer à autre chose en affirmant que la question de l’avenir politique du Québec n’est plus à l’ordre du jour. Un peu d’audace et de persévérance, que diable! Nous ne sommes pas à la toute veille d’un changement constitutionnel majeur mais ce n’est pas une raison pour  cesser d’en débattre avec nos concitoyens-nes! À Québec solidaire, nous mettons en avant une nouvelle façon d’avancer dans la réflexion sur le Québec que nous voulons : une assemblée constituante, un moment d’intense réflexion sur le statut politique du Québec et un projet de constitution.

Et puis, comment nous assurer de protéger la langue française dans un Québec fortement minorisé au sein de la Fédération canadienne? Un Québec qui subit les assauts de la mondialisation, en particulier dans des milieux de travail qui s’anglicisent à grands pas? Le gouvernement d’un Québec indépendant et complètement maître de ses politiques linguistiques ne réussirait-il pas mieux à valoriser le français partout?

Enfin, même si François Legault n’aime pas se faire dire qu’il est à droite de l’échiquier politique, son jupon dépasse lorsqu’il propose que l’État québécois établisse un climat résolument favorable aux investissements privés. Moi qui croyais que le Québec était déjà le paradis des investisseurs! Et qu’il faut surtout exiger davantage de nos grandes entreprises, elles qui paient si peu d’impôts et de redevances dans le cas des minières. Décidément, François Legault et moi ne faisons pas la même lecture de la réalité.

Ce manifeste est-il donc inutile? Je ne le crois pas. Il amène plusieurs acteurs politiques à se situer. C’est ainsi qu’aujourd’hui, 23 février, dans un quotidien de Montréal, Pauline Marois dit retrouver dans le manifeste « les orientations que nous avons défendues déjà depuis longtemps comme gouvernement » pendant que Marc Laviolette et Pierre Dubuc du SPQ-libre, considèrent le modèle économique prôné par François Legault comme néolibéral. Intéressant! Aurions-nous là une confirmation de ce que plusieurs d’entre nous pensons depuis longtemps: le Parti québécois, quoique traversé par des courants progressistes, s’inscrit depuis nombre d’années dans la logique néolibérale d’un État minceur et d’une économie dérèglementée.

Où se trouve donc le vrai changement, celui que beaucoup de Québécois-ses appellent de tous leurs vœux? À Québec solidaire. Un parti qui ne louvoie pas, qui affirme clairement ses couleurs, qui propose un Québec vert et juste dans le cadre d’un État souverain à construire dès maintenant.

Françoise David

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