Nous sommes jeudi le 27 mai. Ce matin, j’ai fait une entrevue avec Homier-Roy après avoir lu le texte de l’évêque Marc Ouellet dans le Devoir. Je m’étais levée tôt et j’avais beaucoup réfléchi à ce que je voulais dire. Il paraît que j’ai été claire.

Pour les personnes qui auraient manqué cette entrevue, voici ce que je voudrais ajouter à mon blogue de la semaine dernière.

Nous sommes devant une entreprise concertée de démolition de l’un des droits que les femmes ont conquis de haute lutte : le droit de décider si elles désirent avoir des enfants, combien elles veulent en mettre au monde et à quel rythme. Fini le temps où monsieur le curé exigeait que les femmes « fassent leur devoir » et vivent des grossesses non-désirées.

Monsieur Ouellet, à l’instar de l’évêque d’Ottawa, des mouvements Pro-vie et de plusieurs députés conservateurs, tentent par tous les moyens de limiter le droit des femmes à l’avortement, voire, de l’interdire. Dans son texte au Devoir, monseigneur Ouellet parle d’une « norme morale objective ». Je voudrais bien savoir en quoi les règles et les normes de l’église catholique et de toutes les églises sont objectives? Qui a décidé cela?

J’insiste donc pour redire qu’il y a une énorme différence entre l’expression légitime de convictions religieuses dans l’espace public et le désir avoué des églises (catholique dans ce cas-ci) d’influencer l’État au nom d’une « norme morale objective » qui ne l’est pas du tout. Monsieur Ouellet a parfaitement le droit d’exprimer ses opinions et de rappeler les règles de l’église catholique aux membres de cette église. Mais l’État canadien doit être laïque, se situer en-dehors de ces règles religieuses et légiférer en respectant les valeurs et normes inscrites dans des chartes, lois, politiques qui constituent les bases du vivre-ensemble social canadien. Voilà ce que signifie la laïcité.

J’ai l’impression que nous n’avons pas fini de discuter de tout cela! Et de lutter pour préserver les acquis des femmes. Et vous, comment vous situez-vous dans ce débat?

Il y a eu les manifestations « pro-vie » à Ottawa. Et les projets de loi privés de députés conservateurs visant à mots couverts à recriminaliser l’avortement. Puis, le refus de Stephen Harper de financer des initiatives  qui incluent l’avortement parmi les choix possibles pour des femmes de pays en développement. Il y a maintenant un prélat de l’église catholique qui traite une femme victime de viol en criminelle si elle décide de se faire avorter.

Au moment où le débat sur la laïcité s’intensifie au Québec, ces événements sont importants. Ils nous rappellent que le combat des femmes est encore d’actualité et qu’il ne faut pas céder au confort de l’inattention. Ils nous démontrent aussi que les dangers les plus immédiats pour les acquis des femmes québécoises et canadiennes viennent des églises chrétiennes fondamentalistes bien implantées au Canada…et même au Québec. On a beaucoup discuté de l’Islam ces dernières années au Québec. L’Islam fanatique existe, il sévit dans plusieurs pays où l’oppression des femmes atteint des sommets inégalés. Un islam conservateur existe aussi chez-nous  mais son impact est relativement mince. Cela ne veut pas dire fermer les yeux devant des dérives possibles ou existantes. Cela signifie simplement qu’il faut voir les dangers immédiats où ils se trouvent : au Canada, des fondamentalistes chrétiens ont déjà une bien trop grande influence sur les politiques gouvernementales du conservateur Stephen Harper.

Ouvrir l’œil et le bon, combattre tous les intégrismes, voilà ce que les femmes -et les hommes qui les appuient-  doivent faire pour préserver leurs acquis et progresser davantage. Mais plus encore, réclamer et obtenir un véritable débat sur la laïcité au Québec. Car seule la laïcité des institutions publiques peut soustraire l’État de toute influence religieuse.

Nous ne nous tairons pas car le silence n’a jamais apporté la justice, l’égalité et le progrès.

Françoise David

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