Nous sommes jeudi le 27 mai. Ce matin, j’ai fait une entrevue avec Homier-Roy après avoir lu le texte de l’évêque Marc Ouellet dans le Devoir. Je m’étais levée tôt et j’avais beaucoup réfléchi à ce que je voulais dire. Il paraît que j’ai été claire.

Pour les personnes qui auraient manqué cette entrevue, voici ce que je voudrais ajouter à mon blogue de la semaine dernière.

Nous sommes devant une entreprise concertée de démolition de l’un des droits que les femmes ont conquis de haute lutte : le droit de décider si elles désirent avoir des enfants, combien elles veulent en mettre au monde et à quel rythme. Fini le temps où monsieur le curé exigeait que les femmes « fassent leur devoir » et vivent des grossesses non-désirées.

Monsieur Ouellet, à l’instar de l’évêque d’Ottawa, des mouvements Pro-vie et de plusieurs députés conservateurs, tentent par tous les moyens de limiter le droit des femmes à l’avortement, voire, de l’interdire. Dans son texte au Devoir, monseigneur Ouellet parle d’une « norme morale objective ». Je voudrais bien savoir en quoi les règles et les normes de l’église catholique et de toutes les églises sont objectives? Qui a décidé cela?

J’insiste donc pour redire qu’il y a une énorme différence entre l’expression légitime de convictions religieuses dans l’espace public et le désir avoué des églises (catholique dans ce cas-ci) d’influencer l’État au nom d’une « norme morale objective » qui ne l’est pas du tout. Monsieur Ouellet a parfaitement le droit d’exprimer ses opinions et de rappeler les règles de l’église catholique aux membres de cette église. Mais l’État canadien doit être laïque, se situer en-dehors de ces règles religieuses et légiférer en respectant les valeurs et normes inscrites dans des chartes, lois, politiques qui constituent les bases du vivre-ensemble social canadien. Voilà ce que signifie la laïcité.

J’ai l’impression que nous n’avons pas fini de discuter de tout cela! Et de lutter pour préserver les acquis des femmes. Et vous, comment vous situez-vous dans ce débat?

Votre point de vue (6 commentaires)

  1. Antoine Malette
    Mardi 1 juin 2010 à 08 h 55

    Je suis totalement en accord avec vous en ce qui concerne le danger que peut représenter les propos tenus par l’Église en ce qui concerne des luttes sociales qui furent longues et ardues. Que ce soit pour les différents accomplissements liés à la cause féministe, ou encore que ce soit dans le domaine de la famille, de la santé, ou même de la liberté spirituelle des individus.

    Cependant, et c’est une des raisons pour lesquelles j’apporte un bémol à mon sentiment d’appartenance pour Québec Solidaire, je suis en désaccord avec votre position sur la laïcité. J’imagine que ça n’est pas la première fois qu’on vous le dit, mais selon moi, votre pseudo-laïcité n’en est même pas une. Je comprends très bien les rouages de votre position. La neutralité de l’État à l’égard de la religion est bien évidemment l’objectif à atteindre, et ce serait coercitif de vouloir neutraliser la sphère publique dans son ensemble. Cependant, comment croire qu’un État puisse être laïque si tous les individus le composant ont la possibilité de porter des signes ostentatoires ?

    Les gens ont tendance à croire qu’une laïcité « sans adjectifs » comme la nomme M. Guy Rocher est radicale, voire complètement opprimante à l’égard de la liberté des individus souhaitant s’afficher. Or, il n’en est à mon sens rien. La neutralité en apparences des agents de l’État ne permettrait-elle pas au contraire une effervescence diversité culturelle dans la sphère publique ? De toute manière, qui serait assez dupe pour croire que parce qu’un individu est vêtu de manière neutre (aucun signe religieux ostentatoire), il est pour autant sans religion.

    Un État sans les individus qui le composent n’est rien. Qu’une théorie, sur papier. Quelques bâtiments faits de pierre tout au plus. Les fonctionnaires eux, ce sont tout.

    Notre État québécois actuel n’est pas laïque. Le crucifix présent à l’Assemblée Nationale n’est pas dénué de sens. De même que les chants religieux faisant office d’ouverture de plusieurs assemblées municipales ne le sont davantage. Votre laïcité ouverte, n’est malheureusement pas ce qui va changer les choses, du moins de mon humble avis.

    Cessons de voir la laïcité comme un affront au multiculturalisme, mais comme un tremplin permettant son expression. À ce moment là, et je dis bien à ce moment, peut-être serons-nous en mesure de nous créer un Québec qui soit vraiment ouvert d’esprit.

    Antoine Malette

  2. Pascal
    Mardi 1 juin 2010 à 09 h 07

    Je suis tout a fait d’accord avec vous quant à la position à avoir et à tenir face à certains défenseurs d’une morale catholique désuète.
    Que l’église ou les églises règentent la vie de leurs fidèles, c’est leur droit si ceux-ci acceptent cette limitation d eleur liberté. Mais je crois que cela doit rester dans la sphère privè et ne peut, en aucun cas, influencer la vie publique.

    De plus, avant que l’église catholique ne se permette de donner des leçons aux citoyens, ne serait-il pas intéressant qu’elle mette un peu d’ordre au sein de ses membres dont les désirs et les actions font parfois désordre. Certes, le Christ a dit «aimez-vous les uns les autres», mais il n’a jamais dit «aimez les petits enfants comme mari et femme» !

    Tout cela pour dire qu’il faut être irréprochable si on veut donner des leçons. En attendant, laissons chacun penser et agir comme il l’entend, dans une société laique !

  3. Mario Jodoin
    Mardi 1 juin 2010 à 22 h 23

    «J’ai l’impression que nous n’avons pas fini de discuter de tout cela!»

    En effet… Je partage pleinement votre point de vue.

    @ Antoine Malette

    «Cependant, comment croire qu’un État puisse être laïque si tous les individus le composant ont la possibilité de porter des signes ostentatoires ?»

    Vous devez parler des employés de l’État, comme vous le précisez au paragraphe suivant.

    La position prise par QS lors de son congrès de novembre dernier est souvent expliquée à l’envers. En cela, on ne peut pas seulement blâmer les médias, car quelques membres de QS ont aussi contribué à l’embrumer.

    La position adoptée ne fut pas de permettre à tous les employés de l’État de porter des signes ostentatoires, mais de ne pas interdire à tous d’en porter.

    La proposition prévoyait aussi que les cas où le devoir de réserve interdirait le port de tels signes restait à déterminer. Les exemples donnés lors du congrès étaient qu’il n’y a pas de raison d’interdire le port de ces signes aux employés qui n’ont aucun contact avec le public. Pour ceux qui ont des contacts avec le public, il restait à déterminer si on devrait l’interdire à tous ou seulement à ceux qui ont un pouvoir d’autorité ou tout autre critère. Bref, le débat n’est pas terminé à QS, contrairement à ce que beaucoup ont fait croire.

  4. André Thériault
    Mercredi 2 juin 2010 à 00 h 09

    Bravo Madame David pour votre blog toujours très intéressant. Quant à moi, il y a belle lurette que je ne porte plus attention à toutes les sottises prêchées par toutes ces religions héritières des superstitions antiques. Je comprends mal pourquoi il y a encore des crucifix et des invocations dans les locaux de nombreuses administrations gouvernementales. Je refuse de croire que les Québécoises et les Québécois qui acceptent cet état de chose vivent encore à l’âge des cavernes. Je pense plutôt qu’ils sont encore victimes des séquelles de leur passé « catholique » vécu sous la dictature du clergé. Il est extrêmement difficile pour les personnes de se libérer du conditionnement pavlovien qu’elles ont subi entre les mains des prêtres. Il est presque impossible de renoncer à une partie seulement de ce qui nous a été enseigné. Afin de parvenir à la véritable liberté, il faut jeter tout cela à la poubelle, y compris et surtout la croyance en « Dieu », cette supposée explication rationnelle qui n’explique absolument rien et perpétue dans l’inconscient collectif toutes les aberrations qui l’ont toujours accompagnée.

  5. Antoine Malette
    Mercredi 2 juin 2010 à 14 h 20

    Bonjour,

    Je me permettrai de répondre, à la suite de vos intéressantes réactions mesdames et messieurs, que j’ai l’impression que le nerf de la guerre auquel vous semblez faire référence n’est pas le bon.

    L’athéisme n’est pas ici la question. Je me considère comme un athée pur et dur, seulement, je ne vois pas la pertinence de discuter ni d’athéisme, ni d’inepties religieuses sur cette topique. Il est ici question de laïcité. Et pour dire vrai, (aussi paradoxale puisse-ce paraître) la laïcité se fout de la religion. Il n’est pas ici question de que dire le christianisme, l’islam, le judaïsme ou quelconque autre religion est mauvaise pour l’ensemble de la société actuelle. Bien que je partage très fortement cette opinion, j’ai l’impression que ça n’est pas ce qui nous intéresse en ce moment.

    La laïcité n’a qu’un objectif : la neutralité étatique face à la religion. Et sur ce point, j’ai énormément de difficulté à cerner la position de QS. J’aimerais d’ailleurs, si vous lisez ce message Mme. David, vous entendre à ce sujet. Votre laïcité, quelle est-elle ? Comme l’a mentionné M. Jodoin, il semble y avoir un voile nébuleux sur cette position aux rangs du parti.

    Merci,
    Antoine M.

  6. Bernard La Rivière
    Mercredi 2 juin 2010 à 16 h 13

    Excellente entrevue avec Homier-Roy. QS se range ainsi clairement avec la grande majorité des femmes et de la population en général.
    De situer le problème dans l’accès à la contraception et à l’éducation sexuelle lui enlève la couche de moralisme que veulent lui donner les religieux de tout poil.
    Les lois, comme tu l’as dit avec Homier-Roy, ne sont pas l’affaire des religions mais de l’État. Si les religieuses ne veulent pas se faire avorter, qu’elles ne le fassent pas, mais qu’elles n’en empêchent pas les autres.
    Les acquis évidents ne sont jamais sûrs quand les fondamentalistes religieux relèvent la tête.

  7. Ajouter un commentaire


    Fil RSS des commentaires de ce billet Fil RSS des commentaires de ce billet






bande_bas_de_page